J’ai 68 ans au moment d’écrire ces lignes. Question sexualité, à cet âge il y a encore beaucoup d’hommes qui ont une sexualité très active. De mon côté, j’avoue avoir été préoccupé toute ma vie par mes performances au lit. Beaucoup d’hommes sont comme des mitraillettes, avec un réservoir inépuisable de désir. Je suis plutôt un fusil à un coup. Que dis-je? Plutôt un de ces vieux mousquets dans lequel je dois mettre la poudre, la balle et tasser le tout avec une longue tige. Bref, ma lenteur à me “recharger” fait en sorte que ça enlève de la spontanéité. Je dirais même que ça demande parfois de la planification.
Si je manque mon coup, je deviens habituellement préoccupé, trop souvent frustré. Quand je deviens frustré, quels sont les impacts sur ma relation de couple? Je me ferme, je suis renfrogné, je deviens déconnecté. Christine devient désolée, triste, impuissante, et ultimement déconnectée. Si je pouvais laisser aller ma déception et accepter simplement ce qui est, qu’est-ce qui deviendrait possible? Le jeu, rire de ma panne, tourner mon regard à garder la connexion, mettre la tête de Christine sur mon épaule, lui caresser le dos. Et puis peut-être, retrouver le goût d’essayer, de jouer…
Cette capacité de laisser aller la contrariété et de rester connecté est maintenant présente mais n’est pas venue du jour au lendemain. La pratique, encore la pratique. Et puis, à un moment donné, je me rends compte que ça fonctionne. Je peux laisser aller une panne d’érection, je peux arrêter d’en être préoccupé, et transformer ça en un beau moment de tendresse partagée.
Je constate que la sexualité, l’érection, la pénétration sont des moyens pour parvenir au plaisir et qu’il y en a d’autres. Je constate que même si je ne pouvais plus avoir d’érection pour le reste de ma vie, je continuerais à vivre avec Christine — présumant qu’elle le désire aussi — parce que je suis en amour avec elle, pas juste avec son corps.
Que suis-je en train de dire? Qu’il faut s’accrocher à une relation où la sexualité est absente ou banale au point de s’en passer? Non. Je dis souvent que la sexualité est le baromètre de l’amour. Le désir de l’autre est un indicateur puissant dans la relation amoureuse. Je dis simplement que la sexualité est un moyen, pas une fin en soi. Si vous vivez seulement pour le high de l’orgasme ou de l’excitation, vous êtes sur le même pied que la personne qui doit se piquer pour que la vie soit supportable. Ce high, comme toutes les excitations, a la particularité de devoir augmenter tout le temps pour faire effet, car le high d’hier devient l’ordinaire d’aujourd’hui. C’est ce phénomène de banalisation qui finit par avoir raison des plus beaux sentiments, des plus belles relations amoureuses.
Je disais que la sexualité est un outil et non une fin en soi. Sinon c’est juste une question de temps avant que vous ne soyez blasé du beau paysage que vous avez sous les yeux. Renouveler son regard de l’autre demande de la conscience, de la présence et parfois des efforts. Mais ça vaut l’effort.
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